La Scotch Whisky Association (SWA) a révélé les chiffres du premier semestre 2014. Si on peut voir une régression globale, le jeu des chaises tournantes montre la poursuite du plan anti-extravagance en Chine, des pertes entre autres au Brésil, Mexique, Corée du Sud, Allemagne et États-Unis. À l’inverse, cela perce en Inde tandis que les Émirats Arabes Unis, Taïwan, le Japon ou de manière plus surprenante le Liban ou l’Estonie se montrent bien présents. En ce qui nous concerne, le statu quo est presque là mais la crise n’atteint décidément pas aisément le Scotch…
La SWA fut originellement la Wine & Spirit brand Association, créée en octobre 1912. Sa mission affirmée est multiple. Elle représente les intérêts de l’industrie du whisky écossais auprès des différents gouvernements. Elle a également pour but de promouvoir les whiskies fabriqués à partir de matières premières naturelles. Elle a aussi pour fonction de s’assurer de la régulation de l’industrie et de s’attaquer aux taxes discriminantes, d’assurer un accès juste et équitable aux marchés internationaux, de promouvoir une attitude responsable concernant la consommation d’alcool et de protéger l’intégrité du Scotch à travers le monde.
Si on résume l’ensemble de ses attributs, on se rend bien compte qu’il s’agit avant tout d’un lobby qui favorise l’évolution de l’industrie écossaise du whisky afin de la pérenniser. C’est donc une voix assez influente pour être écoutée par une large audience et notamment par des instances décisionnelles.
Les résultats chiffrés
Comme chaque année, la SWA dresse un portrait à mi-parcours de l’année en cours. Les résultats viennent de paraître. Ils annoncent que les exports totaux s’élèvent à 1,77 milliards de livres pour les six premiers mois 2014, contre 1,99 milliards à la même période l’année passée.
Les augmentations sont agrémentées de vert, les stagnations de jaune et les baisses de rouge.
Les causes supposées du déclin
D’après la SWA, ce déclin observé à ses partielles semble être dû à « des conditions économiques difficiles et à une incertitude concernant le marché ». Elle met fin à une décennie d’augmentation très importante. Pour rappel, les exports ont explosé (+60 %) depuis 2000.
L’Asie en demi-teinte
Certains cas semblent assez évidents. On pense par exemple à la régression de la Chine. La politique d’austérité menée depuis 2012 au sein du gouvernement et des officiers militaires est efficace : moins de dépenses personnelles et de cadeaux afin d’améliorer l’image de ces dirigeants accusés régulièrement de corruption. La conséquence est tout simplement que la Chine, même en volume, n’est plus parmi le top 20 mondial.
Au rayon des fortes gifles on notera la dégringolade du marché de Singapour, avec plus de 45 % de baisse que ce soit en volume ou en valeur. Le pays était un des fers de lance de la croissance du Scotch en Asie mais avait déjà montré sa tendance à la versatilité. En 2006, il y avait déjà eu une baisse de près de 50 % avant que la tendance ne s’inverse l’année suivante. Rien d’inquiétant a priori.
Si la Corée du Sud régresse, Taïwan tient bien le choc et le Japon se révèle lucratif en cette année 2014.
Au rayon des bonnes surprises, on aperçoit l’Inde qui poursuit son insertion dans le monde malté. La tendance semble forte et est destinée à continuer. Pour mémoire en 2012, la moitié du whisky mondial était consommé en Inde mais seulement 1 % provenait de malt écossais. Bien entendu, la SWA désirerait que l’Inde accepte d’ôter sa taxe de 150 % sur les imports mais le gouvernement s’inquiète de l’impact que cela pourrait avoir sur les productions locales. Toutefois, le marché est clairement prometteur.
L’Amérique latine en chute
La chute du marché vénézuélien n’est pas vraiment une surprise. Une inflation de près de 40 %, un chômage qui augmente fortement et des ressources, notamment pétrolières, qui s’amenuisent forment un panorama peu sûr pour un produit tel que le whisky.
Le Brésil et le Mexique régressent assez nettement également, en valeur tout du moins. Seul le Panama montre des signes encourageants. La SWA explique notamment ces résultats par des affaiblissements économiques dans certaines régions ou encore par une livre Sterling plus forte.
Les Émirats Arabes Unis mieux que l’Europe et les États-Unis
L’export vers les Émirats Arabes Unis (EAU) s’explique, outre la puissance du bassin économique local, par le rôle de « plaque tournante » du whisky vers l’Afrique, l’Asie ou l’Inde.
L’Europe de l’Est offre des résultats contrastés. L’ouverture financière à l’Union Européenne avec la baisse des taxes sur les imports de Scotch tout comme l’ouverture culturelle aux autres breuvages ont peu à peu relégué la vodka à un niveau traditionnel, un peu vieillot. L’Estonie, qui avait traversé quelques années très difficiles, se trouve décalée par rapport à la Pologne ou la Lettonie et montre donc le bout de son nez au classement.
Pour ce qui est de l’Allemagne et des États-Unis, difficile d’y voir clair dans ce retrait assez net après une année 2013 assez stable.
On n’oubliera pas non plus que ces chiffres évoquent le whisky écossais et donc que la diversification de l’offre (Japon et Irlande ne sont pas les seuls) peut être à étudier, par un recul par dilution des ventes.
La France épargnée
Sans vouloir être chauvin, c’est tout de même un résultat flatteur pour nous. Premier marché en volume, on est tout de même parti sur une base plus « raisonnable » que l’année passée (3 % contre 15,5 %). Après une stagnation en valeur l’année dernière, nous sommes désormais sur une base de 6 %. Le rapport volume/valeur montre, à l’inverse de la tendance 2013, que nous achetons plus cher qu’avant.
Dans ce contexte, on ne voit donc pas comment la baisse tarifaire tant attendue pourrait avoir lieu. Certes, même s’il existait une chute des ventes, nous ne serions pas assurés d’une révision des politiques économiques liées au whisky. Toutefois, globalement, il semble qu’il existe toujours une assurance de résultat pour le Scotch en France.
Dans tous les cas, par notre conservation de la première place en volume et la confortable seconde place en valeur, nous confirmons notre importance pour le Scotch whisky même si celui-ci vise les nations émergentes. Une opération conquête plus qu’une opération gestion en somme.
Les espoirs et solutions évoqués
La SWA n’est pas alarmiste (on peut la comprendre) et clame sa confiance sur le futur à long-terme du Scotch. Elle évoque les projets de nouvelles distilleries en cours et « les investissements en capital de plus de 2 milliards engagés par les producteurs ».
David Frost, le PDG de la SWA, s’est exprimé à ce propos : « Nous sommes certains que le Scotch va continuer de s’épanouir sur le long-terme avec la stabilisation des marchés et l’arrivée de nouveaux, comme les économies émergentes telles que l’Afrique qui est en train de s’ouvrir. Cependant, il est clair qu’à court terme il y a des troubles économiques qui affectent les exports »
Il ajoute : « Les derniers chiffres nous rappellent que le succès du Scotch ne doit pas être pris pour acquis. Nous avons besoin de l’appui du gouvernement pour abattre les barrières commerciales et nous aider à accéder à de nouveaux marchés étrangers […]. C’est pourquoi nous sommes déterminés à prendre pleinement part au prochain débat à propos de la nouvelle décentralisation, pour que cela permette un environnement favorable aux entreprises pour assurer le futur succès du Scotch ».
Dans un contexte où l’Écosse pourrait gagner en autonomie malgré le « Non » au référendum sur l’indépendance du pays, la SWA pense probablement qu’il y a un coup à jouer avec cette mini-émancipation. En tout cas, il semble que la bataille se déroule sur le plan de la diplomatie et des politiques propres à l’Écosse afin que le Scotch sorte gagnant de ces arrangements.
On peut donc affirmer que ce début d’année timide n’est pas vraiment révélateur d’un monde du Scotch malade. Il s’agit plutôt d’un business dont les cartes sont souvent redistribuées au gré de l’évolution des potentiels acquéreurs internationaux. La culture, la situation législative et la structure financière influencent donc les variations chiffrées relayées par la SWA.
En tous cas, l’emballement des politiques tarifaires ne semble pas avoir vu le bout de son cheminement aux vues des perspectives à venir, avec l’Inde en ligne de mire. Mais qu’en sera t-il quand la saturation s’opérera ? Le modèle économique actuel se nourrit de pays émergents pour raviver la flamme. La croissance ne pourra pas suivre indéfiniment son ascendance. Une distribution mondiale fluctuante mais globalement constante semble plus probable et l’engagement de la SWA sera hypothétiquement voué à une protection des zones fortes à l’export.
Pour le moment la SWA va tenter de faire sauter certains verrous diplomatiques afin de redresser la barre.
[box type= »info » align= »alignleft » width= »300px » ]En savoir plus : [/box]
Leave a Reply