Les rhums associés à des fruits ou des épices ont le vent en poupe. Leur douceur et leur accessibilité semblent avoir conquis tout une part de la population. Nous avons rencontré le chef de file français du genre, Cédric Brément. Sa marque, “Les Rhums de Ced”, est identifiable grâce à ces bouteilles mettant en avant les produits. Voyons donc comment tout cela est arrangé …
Cedric Brément : La génèse
Bonjour Cédric ! Tu es tout seul à gérer les Rhums de Ced’. Tu as du expérimenter longuement avant de te lancer dans l’aventure. Tu étais un amateur frustré ?
En fait quand j’ai commencé à créer mes macérations, loin de moi l’idée d’en faire une activité professionnelle. Ca m’a permis de laisser libre cours à mon imagination et surtout de créer des produits qui étaient le reflet de ce que les consommateurs appréciaient. J’en ai fait pendant 10 ans; le jour où a germé l’idée d’en faire une activité pro, c’est plus devenu une aventure qu’une frustration…
Peux-tu nous dire comment tu en es arrivé à créer ton entreprise ?
J’ai créé et fabriqué des macérations pendant 10 ans donc cela m’a permis de tester plein de produits et plein d’associations différentes. Au bout d’un moment, quand tu as pas mal de retours positifs en terme de dégustation et de consommation et que tu es de plus en plus sollicité pour en fournir, il s’est posé la question de « y’aurait peut-être quelque chose à faire ».
Un des points importants est ma formation, je suis Ingénieur en agroalimentaire et j’ai managé des ateliers de fabrication – donc ce projet de création était dans la continuité de mon expérience professionnelle.
On a souvent l’impression qu’il existe une dichotomie entre le monde des spiritueux et celui des créations spiritueuses. Quel type d’amateur es-tu ? As-tu des alcools de prédilection ?
Il est vrai que je sens en effet une barrière entre le spiritueux pur et les boissons à base de spiritueux….A la base, je n’y connaissais pas grand chose mais une fois mis le pied dedans et devant le plaisir que l’aventure m’a procuré, j’étais forcé de constater qu’une attirance mutuelle s’est créée entre le spiritueux et moi. J’ai commencé tout d’abord à me concentrer sur le rhum et le rhum agricole en tout particulier. Je pense que je débute mon apprentissage et que j’ai encore pas mal de choses à apprendre, surtout de bien maîtriser la dégustation.
Les matières premières
Commençons par l’alcool. Tu utilises du rhum de la Martinique (AOC donc). S’agit-il toujours de la même distillerie ?
Oui, depuis le démarrage, j’ai toujours travaillé avec la même.
Pourquoi avoir fait ce choix spécifique. Pour sa typicité, ses caractéristiques aromatiques ou une relative neutralité ?
C’est un peu plus compliqué que ça. Et rentrer dans les détails ne serait pas efficace. Donc pour résumer simplement, devant le peu de choix que j’avais initialement, la sélection s’est portée pour moi sur le plus qualitatif sachant qu’il était important de ne pas avoir un rhum trop aromatique mais suffisamment qualitatif pour que ça porte l’aromatique des fruits. Et ensuite la recette est importante pour calibrer l’intervention et l’expression de chacune des matières premières.
As-tu déjà songé à faire des créations à base de rhums de mélasse ? Voire même avec d’autres alcools ?
A base de mélasse non, tout simplement parce que j’ai un très gros affect pour le rhum agricole et notre spécificité en France. Et comme dans toutes mes productions je cherche à mettre en avant le savoir-faire Français, je ne suis pas parti sur de la mélasse. Un second objectif est de créer un concept de produit premium, en terme qualitatif sur un rhum blanc, pour moi il n’y a pas photo entre l’agricole et le mélasse.
Des essais avec d’autres alcools – au tout début oui, mais maintenant non du fait qu’il y ait déjà tellement de choses à travailler autour du rhum.
Tu insistes grandement sur les fruits et épices utilisés pour tes créations. D’où viennent-ils et comment réalises-tu la sélection ?
En effet, cela fait parti de la qualité du produit fini – la qualité du sourcing. Je souhaite proposer un produit premium, la qualité des achats est donc primordiale en plus du savoir-faire de la recette. Le principe est de n’utiliser que des fruits frais et si possible français. Je commence donc par voir ce qu’il est tout d’abord possible de trouver en production locale puis ensuite j’élargis le cercle; c’est grâce à cela qu’un très gros partenariat à été mis en place avec SCA Fruits de la Réunion grâce, auquel 48h après que les fruits soient cueillis là bas, ils sont chez moi pour être travaillés.
Tu utilises beaucoup de produits exotiques. Dans ce genre de cas, on s’interroge toujours sur l’éthique qui accompagne ce genre de démarche. Qu’en est-il pour toi ?
La majorité de mes fruits exotiques proviennent de la Réunion et dans la démarche de la coopérative il y a une très grande éthique – bien sûr ce sont des fruits « Avion » donc on pourra toujours reprocher l’impact avec le CO2 – mais ça reste quasiment la seule appro de ce type et c’est ce qui permet aussi d’avoir un produit hyper qualitatif, comme si on était sur place.
3 gammes : Innovation et Elaboration
Tu as à l’heure actuelle trois gammes de produits : Ti Arrangés, Ti Planteur et Ti Original. Peux-tu nous définir chacune de ces catégories ?
La première est Ti’ Arrangés – comme son nom l’indique c’est celle qui présente les rhums arrangés. Au tout départ, je n’avais pas le droit d’utiliser le terme « rhum arrangé », il a fallu donc via la marque contourner cette contrainte non négligeable.
Un des constats que j’ai fait très rapidement est que le produit à base de rhum (cocktails ,etc…) est très souvent galvaudé. Dans le sens où le consommateur se dit, le rhum c’est le soleil donc c’est bon. Or la qualité du rhum est plus que primordiale. le consommateur se dit aussi qu’il est super facile de faire un cocktail – et non ce n’est pas si simple. J’ai donc voulu, à travers un autre concept dans un premier temps qu’est le planteur via la marque Ti’planteurs de Ced, continuer à faire découvrir l’univers rhum premium et matières premières qualitatives en s’adressant à un public beaucoup plus large. Il était important tout comme sur les rhums arrangés d’apporter une notion qualitative au concept du produit.
La 3ème marque : Ti’Original de Ced a été créée pour proposer des produits à destination de consommateurs un peu plus avertis puisque le degré d’alcool de ces produits est plus élevé. Et de la même manière il a fallu réflechir à ce qu’on allait y mettre. Donc pourquoi Ti’Original : l’idée était d’aborder des concepts originaux (de part l’origine dans le sens histoire/antériorité) de manière originale (c’est à dire de manière créative) – avec un second objectif de prouver aux amateurs de rhum que nous avons un vrai savoir-faire.
Tu as obtenu la certification de macération Bio. Peux-tu nous dire comment cela s’est déroulé et ce que cela implique ?
La Certification bio est déjà une volonté/ un des fondamentaux de base. Le plus dur a d’abord été de trouver un rhum bio. Et ensuite de créer le produit avec une volonté qu’on parle de bio, d’utiliser des fruits locaux.
Ensuite on contacte l’organisme certificateur qui vient vérifier que votre démarche est conforme au cahier des charges de la certification. Il vient effectuer des contrôles deux fois par an pour vérifier surtout la compta matière et bien vérifier la séparation des circuits pour ne pas qu’il y ait de « contamination » par du conventionnel. Cela implique d’être hyper rigoureux sur l’ensemble de la méthodologie.
Pour ce qui est de l’association de saveurs, es-tu du genre à tester plein de choses pour voir ce qui peut en ressortir ou as-tu une démarche plus intellectuelle avec un travail en amont, « sur papier » ?
La gamme a été constituée de manière à obtenir des spécificités aromatiques, c’est à dire que chaque produit a pour objectif d’être différent de l’autre à la base. Cela va passer par une recherche sur les typicités aromatiques de chaque ingrédient. Et ensuite il faut créer la recette pour que chaque ingrédient ait sa place et s’exprime.
Ensuite il m’arrive d’avoir des opportunités sur des fruits que je ne connais pas et forcément je fais mon curieux – ça peut donner des idées….Chaque produit qui est créé doit avoir une logique et une histoire et, dans la mesure du possible, être une création.
L’image du rhum arrangé est celle d’une produit facile à faire chez soi. En réalité, arriver à un bon équilibre et de belles combinaisons aromatiques n’est pas forcément chose aisée. Quelle est la phase la plus délicate dans l’élaboration de tes produits ?
Tu as tout à fait raison dans le fait que beaucoup pensent que le rhum arrangé est simple à faire – c’est le même état d’esprit pour tous les produits à base de rhum et rentrant dans la compo de cocktail – il parait que c’est simple…
La phase la plus délicate est d’abord d’avoir de très bonnes matières premières et ensuite il faut bien les assembler en respectant des proportions. Il faut ensuite savoir que tous les fruits ne coexistent pas ensemble – donc la recherche biblio sur l’aromatique d’un fruit est importante.
Quelles sont les grandes étapes de fabrication de tes Ti Arrangés ?
1- Fabrication du mélange Rhum et sirop de sucre de canne
2- Dosage en bouteille de ce mélange
3- Découpe des fruits au couteau et mise en bouteille à la main exclusivement
4- Bouchage / Étiquetage
5- Stockage pour macération – la macération s’effectue directement dans la bouteille
En quoi l’étape de maturation en fût est-elle importante ? As-tu fait des comparaisons (avec et sans maturation) ?
Tous les produits ne sont pas issus des fûts – il n’y a que quelques références. La spécificité est que je choisis des fûts qui viennent juste d’être vidés. L’objectif est que l’aromatique du vin/spiritueux qui était précédemment contenu prennent la place d’un fruit. Je ne cherche pas le côté bois mais vraiment le côté aromatique. Le process de choix des fûts permet d’avoir une typicité aromatique de base et donc qui aura clairement un impact sur le produit final.
Quels sont les fûts que tu utilises principalement ?
Actuellement j’ai du Sauternes, Cognac, Très vieux Pineau, Coteaux du Layon, Sherry, Bourbon et 2-3 pépites que je viens de récupérer.
En 2013, tu as obtenu le titre de Maître-artisan. Qu’est ce que cela signifie exactement ? Cela doit faire du bien à l’égo, non ?
Le titre de Maître-artisan est une récompense sans commune mesure qui récompense une philosophie et une volonté de mise en avant de critères de qualité et d’un savoir faire. C’est une reconnaissance dont il faut être fier mais qui impose aussi un très haut niveau d’exigence pour être à la hauteur de cette reconnaissance. Elle est très importante parce que c’est un élément très différenciant d’autres acteurs puisque je suis le seul à l’avoir. Pour l’égo ce n’est pas le plus important dans l’histoire – je dois continuellement être la hauteur de cette reconnaissance donc ce n’est qu’un début….
Homogénéité et Partage
Quelle que soit la gamme, on sent un ADN commun dans leur conception : la facilité d’accès. Etait-ce le but principal ?
Quand j’ai mis les pieds dans l’univers du rhum, je me suis « ouah les gens ont toujours le sourire et ça créé des moments de partage ». Donc quoi de plus appréciable de tous se retrouver autour d »un bon produit et de partager….L’objectif du produit est d’être un produit qui permette de commencer à mettre les pieds dans l’univers du rhum agricole – ensuite il a pour objectif de simplifier sa consommation et de réunir le plus de personnes autour d’un même produit.
La sucrosité se fait bien sentir dans tes Rhums. Y’a t-il des projets en cours pouvant déboucher sur des produits plus secs ?
Il faut faire attention à la notion de sucrosité. Bien sûr qu’il y a ajout de sirop de sucre de canne parce que c’est un élément technique important dans le concept du produit. A ce jour, j’ai développé une recette spécifique de sirop de sucre de canne.
Ensuite, nous n’utilisons que des fruits frais dans nos produits et donc une sucrosité naturelle et qualitative va donner une empreinte à mes produits. La notion de sucrosité est souvent confondue avec la bonne aromatique des fruits frais.
Pour répondre à cela, la gamme Ti’Original de Ced a vu le jour….
Si tu es la tête de gondole de la confection des arrangés, ce sont devenus des produits plutôt à la mode. Quel est ton point de vue sur ton marché et tes concurrents ?
Le marché est compliqué parce que la méconnaissance du concept va faire qu’on va comparer tout et son contraire. La définition de base d’un rhum arrangé est pour moi de faire macérer des fruits frais dans un contenant. Ceci impose pour être dans la vraie démarche de ne pas utiliser d’arômes, de colorants, etc…Or certains en utilisent pour simplification de fabrication et aussi ne pas avoir besoin de macération ni d’achat de matières premières qualitatives puisque le goût principal sera apporté par ces composés. Donc comparons ce qui est comparable. De notre côté, nous n’utilisons que des fruits et produisons à la bouteille ce qui pousse la niveau qualitatif des produits. Pour ne pas succomber à un effet de mode, il est impératif de chercher à créer et c’est dans cette dimension que je m’inscris.
Pour finir, peux-tu choisir un produit de ta gamme et le partager avec nous ?
Le produit qui a été le plus dur à confectionner est le Ti’original Ti’Punch. En le créant, je me suis attaqué à un mythe le « Ti’Punch ».
Il fallait y apporter des éléments que le particulier ne puisse pas avoir lorsqu’il fait le sien. C’est pour cela que j’ai décidé:
– d’utiliser un rhum élevé 6 mois dans nos fûts de Sauternes.
– de travailler sur l’association et l’équilibre de 3 différents sirops de sucre de canne pour avoir un apport « sucre » différent.
– d’utiliser un citron galet de la Réunion, qui a une aromatique magique.
C’est un Ti’punch à dégustation……
Si vous ne connaissez pas encore la gamme des Rhums de Ced’, il est temps de rattraper votre retard. Une des dernières créations de Cédric Brément, le Framboise-Hibiscus est particulièrement réussi !
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4 octobre 2024 at 7 h 57 minvx34i7