Nous étions restés sur un Karuizawa 1967, réussi mais en-deça de sa réputation et nous nous en voudrions de rester sur cette impression. C’est pour cela que nous partons dans les années 70 avec cette version Noh en fût de sherry, limitée à 190 bouteilles…
Nez : toute la puissance contenue dans le verre vient vous titiller les narines, sans pour autant vous dézinguer les sens par son alcool. C’est dense avec des notes de viandes des Grisons, du jambon fumé, du gouda fondu … Mais derrière cet écran de fumée, c’est la gourmandise qui a repris ses droits : confiture de cassis, bonbons Arlequin, chocolat noir, noisettes torréfiées, raisins secs, fruits à cake (et pas les daubes industrielles), glace au caramel au lait ou encore quelques grains de moka et des spéculoos. Toutefois, il ne cesse d’évoluer et on passe alors sur des shiitakés, de la sauce soja mais également des épices (cannelle). On a bien du bois non-traité mais il ne délivre pas de sécheresse embarrassante et vient, au contraire, s’insérer naturellement dans le profil. Si on a déjà un magnifique panel, la dilution devrait lui donner ses lettres de noblesse. En effet, il semble un peu ceint par l’alcool bien que l’aération lui ait déjà permis de s’exprimer. Comme attendu, il y a du mouvement : le sous-bois devient plus riche, la viande devient juteuse et on a du bacon, le chocolat noir devient crémeux… Ce nez est alors beaucoup plus souple, plus herbacé (légèrement camphré), avec du bois vernis, du bois brûlé et du poivre noir. C’est vraiment une superbe évolution qui a lieu. Une seconde dilution met en exergue des Pim’s aux fruits, le gouda fondu et de l’encaustique. On a dès lors plus de café et de chocolat alors que des cacahuètes grillées, de l’ananas déshydraté, des abricots secs et de la résine font leur apparition. On reste impressionné par la cohérence de cette armée d’arômes qui avance en rangs serrés.
Bouche : on a une profondeur similaire à celle du nez, la densité et l’amplitude étant au rendez-vous. D’emblée, on a des shiitakés qui débarquent avec de la confiture de cassis, de la framboise, du chocolat noir, des fruits secs (abricots, dattes, noix, noisettes) mais également une pointe de café. La fraîcheur est remarquable avec de l’eucalyptus et du sapin avant que les agrumes ne repartent de plus belle avec du Mikanshu et un retour de viande fumée et les charcuteries perçues au nez. L’ajout d’eau décuple les sensations perçues. A nouveau, le sous-bois est à l’honneur et la douceur des fruits rouges/noirs et des fruits secs est extrêmement confortable. Si c’est évidemment une bouche charnue, elle arrive par sa précision à être chic. La seconde partie de bouche gagne du moka, un retour de la charcuterie avant un basculement sur le barbecue, de la sauce soja, de la liqueur d’orange, des herbes aromatiques (thym, romarin) et même une pointe de miel. L’équilibre est indubitable avec l’accord entre les notes fumées (ou de sous-bois) et les notes les plus rondes. La seconde dilution ôte tout effet de surpuissance et nous laisse entrevoir la quintessence de ce Karuizawa, passant d’une entame fruitée (rouges/noirs), à un milieu de bouche centré sur les fruits secs (malt caramélisé, cacahuètes, cajou) avant que les abricots et la fumée ne prennent le relais.
Finale : elle est longue et persistante avec beaucoup de jus de cassis, de la cerise, des dattes, des noix. Si on retrouve une fumée plus circonscrite et les tendances herbacées rafraîchissantes (précédemment citées), c’est une fin de dégustation tout en douceur. L’ajout d’eau ne fait que renforcer nos impressions avec une puissance accrue et des fruits noirs qui ont définitivement pris le pouvoir. L’arrière-bouche est délicatement fumée et carnée, porteuse de framboise, d’abricot, d’orange mais également d’une grande fraîcheur (romarin, menthol). La seconde dilution rallonge encore l’expression des saveurs.
Music-pairing : Janis Joplin – Kozmic Blues
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