Pour ceux qui observent les étiquettes de rhums de pays hispanophones ou lusophones (Ron), un nom revient régulièrement : Solera. A force de le voir, on en vient à le banaliser sans forcément se douter que ce mot implique une technique séculaire. Examinons ensemble cette innovation qui est imputable aux producteurs de sherry, Xérès…
Le système Solera est souvent cité dans le monde du rhum et pourtant on ne sait pas toujours à quoi il correspond dans les faits.
Il offre en réalité une alternative, dite dynamique, au vieillissement statique classique que l’on connaît dans beaucoup alcools comme le whisky mais aussi le rhum.
Origine ibérique
Si son nom a une consonance hispanique, ce n’est pas un hasard. En effet, toute cette méthodologie provient des producteurs de vins liquoreux espagnols, le Xérès. Ils ont mis et mettent toujours en pratique leur savoir qui peut se résumer selon la formule indiquant que le vieux éduque le jeune.
A priori, l’invention peut-être située durant la seconde partie du 18ème siècle, remplaçant petit à petit les vintages (ou añadas).
Bien entendu, une recette gagnante ne reste jamais bien longtemps discrète et plusieurs autres alcools se sont vus maturés via cette technique. On peut citer entre autres le madère, le marsala, certains banyuls ou encore, le rhum. Il y eut aussi des essais avec le whisky bien que cela reste tout de même assez marginal.
Principes de fonctionnement
Pour comprendre ce système, il faut comprendre comment est structuré le placement des fûts (nommés botas) dans les entrepôts.
Ceux-ci sont empilés sur plusieurs niveaux (dont le nombre est variable) et qui forment des lignes appelées criaderas (signifiant crèche/ecole). Celle qui est au niveau du sol est appelée Solera et elle va contenir les rhums les plus vieux.
Celle qui se situe juste au-dessus est nommé première criadera et contient des rhums un peu plus jeune, celle du niveau supérieur est la seconde criadera et ainsi du suite. Par conséquent, la criadera la plus haute contiendra les rhums les plus jeunes.
Il faut toutefois noter que s’il n’y a pas d’adéquation entre les bâtiments et le nombre de botas, il pourra y avoir un éclatement de la répartition des fûts (par exemple une ou deux criaderas dans un, la suite dans un autre…)
C’est le rhum qui est contenu dans la solera qui sera mis en bouteille. Ainsi, selon un cycle régulier qui peut aller d’une fréquence de 6 mois à plusieurs années, on prélève une partie (10-15% en général) des botas de la solera afin de l’embouteiller. Cette étape se nomme saca (extraction). Une étape supplémentaire de finition peut alors avoir lieu.
Pour remplir les fûts lestés de cet alcool, on prélève du distillat de la première criadera et on l’incorpore dans la solera. On procédera alors toujours de la même manière en remplissant les botas avec la criadera située juste au-dessus d’eux. Les plus jeunes rhums rejoignent donc leurs aînés. Cette étape s’appelera rociar (ou laver).
Le mélange se fait donc en douceur puisqu’une grosse partie du liquide reste en place. Cette stabilité va permettre à celui-ci d’accueillir un distillat plus jeune et donc de l’éduquer dans de bonnes conditions.
Intérêts & Faiblesses
Il s’agit d’un procédé de mélange et de vieillissement.
Il assurera la pérennité de la qualité et du goût. On va, dans ce but, réaliser l’association du contenu de fûts d’âges différents, c’est une sorte de vatting évolutif qui va diminuer l’écart entre les productions.
Ceci ne doit pas être confondu avec l’ouillage que l’on peut retrouver dans le vin, soit le remplissage du fût avec un alcool de même âge et de même qualité pour éviter l’oxydation.
En outre, la Solera une fois entamée depuis un certains temps va octroyer la possibilité d’embouteiller plus rapidement. En effet, à intervalles réguliers la récolte du distillat aura un âge moyen inférieur à la période de maturation du fait du mélange des liquides.
Ce raccourcissement va in fine impliquer une sortie plus rapide et une gestion des coûts facilitée.
Dans un exemple fictif, nous pourrions avoir besoin de 8 ans pour embouteiller un 10 ans d’âge (en moyenne).
Il y a bien sur quelques petits inconvénients. Tout d’abord, il faut lancer la machinerie. En effet, si elle est performante une fois mise sur les rails, au départ, il faudra une maturation plus longue que l’âge moyen pour qu’un embouteillage voir le jour.
Dans un exemple fictif, on pourrait avoir besoin dans un premier temps de 10 ans pour sortir un 8 ans d’âge moyen.
Par ailleurs, si la production a des avantages financiers, le besoin en fûts est très important tout comme les précautions concernant l’entretien, pour éviter des contaminations entre les botas qui sont en contacts.
Ce serait tout de même un peu frustrant de voir réduite à néant une maturation de 30 ans à cause de bactéries indésirables…
Voilà c’est tout pour aujourd’hui, j’espère que vous comprendrez désormais mieux ce que cache le terme « Solera ».
4 Comments
Mauve
13 octobre 2014 at 9 h 16 minA noter que la Solera est interdite dans le porto 🙂
Merci pour l’article.
Alexandra
13 octobre 2014 at 12 h 56 minBel article thomas..
Un shéma n’aurait pas été de trop 😉
Par contre, il ne faut tout de même pas laisser croire à nos lecteurs éclairés et amateurs, que la solera est utilisée de la même façon en rhum qu’en Xeres. En effet chaque production a réinventé un système de production INSPIRE du principe de Solera.
Puis-je suggerer donc de faire une petite revue de détail sur les différentes interprétations que nous connaissons aujourd’hui du terme dans le monde du rhum … à croiser en plus avec potentiel de vieillissement qui varie avec les latitudes et les altitudes 😉
Nous pourrions aussi évoqué ainsi les notions d’âge réel et probable, sans compter les diverses législations sur les mentions d’âge sur étiquettes. Par contre nous risquons ici de décevoir des amateurs et après tout c’est le goût qui compte ?
Thomas
13 octobre 2014 at 16 h 41 minMerci à vous deux !
Effectivement, j’avais pensé à un schéma mais le résultat ne me satisfaisait pas. 😉 .
Merci pour ces précisions à propos du passage Xérès-Rhum.
Je désirais surtout que cet article permette de comprendre le principe, le système global, qui est assez différent des maturations statiques dont on a l’habitude. C’est vrai que ce papier se veut finalement assez théorique. J’approfondirai peut-être ultérieurement mais je traiterai probablement les âges et les classifications auparavant.
Quoi qu’il en soit, l’idée est intéressante.
Je suis d’accord, seul le goût compte. Toutefois, le consommateur, éclairé ou non, devrait pouvoir comprendre une étiquette de rhum et parfois, ce n’est quand même pas si évident… 😉
Rhum agricole et industriel : de jus de canne à sucre et de mélasse | Whisky and Co
2 novembre 2014 at 12 h 31 min[…] donc un second pas (après le Solera) dans le guêpier des termes de rhumologie, en espérant que cette canne vous sorte de la […]