Une des composantes importantes pour un amateur de bière est l’amertume qu’il va trouver dans son verre. Si l’on peut y être plus ou moins sensible, une valeur permet d’y voir un peu plus claire, l’IBU ou International Bitterness Unit. Tentons donc d’expliquer ce qui se cache derrière cette sensation et la mesure objective de celle-ci…
Quand on aime la bière et que l’on prend le temps de s’intéresser à sa dégustation, un des paramètres importants va être l’amertume de ce doux liquide. Il va de soi que sa perception va être tout à fait subjective puisque nous ne sommes pas tous réceptifs de la même manière à cette sensation en bouche.
Pourtant, les plus curieux d’entre vous l’auront remarqué, il y a bien un moyen objectif de quantifier cette amertume, il s’agit de l’IBU. Sa version développée est International Bitterness Unit ou en français Unité Internationale de l’Amertume, ce qui sonne plus comme une faction politique contestataire que comme un indice concernant un alcool.
On retrouve parfois le terme BU, Bitterness Unit, qui est équivalent à l’IBU. Il est toutefois moins utilisé.
Vision générale : catégories et vulgarisation
Le public français, voire européen, n’est pas très au fait de cette acronyme puisqu’il apparaît généralement sur des bières peu accessibles au grand public.
De manière générale, plus la valeur d’IBU sera élevée plus la bière sera amère. Cette évaluation permet également de retrouver de grands groupes de bières.
Celle que l’on pourrait classifier basiquement de « bière de soif » dépasseront rarement les 15 IBU.
Pour ce qui est du reste voilà les données compilées. Ce ne sont pas des absolus mais elles montrent les tendances majeures :
L’IBU a pris de l’ampleur avec le succès rencontré depuis quelques temps par les producteurs d’IPA qui, de part leur attachement à l’amertume, ont souvent tendance à communiquer ou tout du moins à préciser ce qu’il en est. Par extension, on verra ce chiffre sur les étiquettes de bières ayant des IBU assez conséquents.
On peut noter que la limite pour qu’une différence soit décelable au palais est de 150 IBU, valeur atteinte par la Hardcore IPA de chez Brewdog.
De manière générale, nous avons beaucoup de retard sur ce sujet par rapport aux américains par exemple mais la montée en gamme concernant la consommation de bière devrait populariser ce genre de terme.
Vision détaillée : de chimie et de mathématiques
On pourrait résumer en disant que 1 IBU est équivalent à 1 mg d’acide iso-alpha (AIA) par litre de bière, ce qui revient à 1 ppm, partie par million, terme utilisé notamment pour la tourbe du whisky.
Chimie
L’amertume va provenir de la lupuline, une sorte de résine jaunâtre odorante qui est produite par le houblon.
Il faut d’abord comprendre ce qui se cache derrière ces AIA. Cette famille de composés chimiques va dériver des molécules particulièrement présentes dans la lupuline, les acides alpha (AA) qui sont au nombre de 3.
On peut débuter par les humulones. Il s’agit de l’acide alpha primaire qui est généralement responsable de l’amertume douce.
Ensuite, nous avons les cohumulones. Leur rôle est plutôt controversé. Les producteurs de houblon avaient pris l’habitude d’indiquer leur proportion puisqu’on considérait qu’ils étaient assez durs et qu’ils créaient une amertume plutôt désagréable. Ainsi, les houblons prisés avaient de faibles taux de cohumulones. Il semblerait pourtant qu’avec l’arrivée de variétés très riches en acides alpha (avec donc pas mal de cohumulones), cette position soit revue. Il se pourrait même qu’ils soient plus softs qu’on ne l’imaginait.
Enfin les adhumulones sont un peu les incompris du lot. En effet, ils sont en faible quantité ce qui explique sûrement que peu de conclusions à leur propos n’aient été apportées.
Lors de l’ajout du houblon (entre le brassage et la fermentation), le moût ou wort va être porté à ébullition. C’est à ce moment que va avoir lieu l’isomérisation. Cela signifie que les acides alpha vont se transformer en des molécules composés d’éléments similaires, en proportions identiques mais dont la structure chimique et donc les propriétés seront différentes.
A chaque AA va correspondre un AIA.
Cette transformation va permettre l’arrivée progressive de l’amertume lors de la chauffe du moût. L’isohumulone schématisée ci-dessus est sûrement la plus importante des trois AIA puisqu’elle va, en plus, réagir avec d’autres composés afin de produire des molécules odorantes fondamentales.
Pour informations il existe aussi des acides iso-beta, qui vont générer de l’amertume. Toutefois, cela se déroulera plus tard, durant la fermentation et le stockage et son rôle semble secondaire.
Mathématiques
Comme toute unité ne pouvant être mesurée directement, il existe un calcul permettant de connaître l’IBU.
Il existe diverses formules mathématiques utilisées, possédant de légères divergences mais sans altérer profondément le résultat.
Je vais pour ma part prendre comme base explicative, le calcul suivant pour calculer l’IBU :
Ph : il s’agit du poids de houblon qui sera utilisé (exprimé en grammes)
%aa : cela correspond au nombre de % d’acides alpha présents. Il dépend bien évidemment de la variété de houblon utilisée. Cette donnée est en général fournie par le producteur.
Vm : il s’agit du volume de moût final (en litres).
10 : Il s’agit d’une constante.
FCm : facteur de correction du moût. Je ne rentre pas dans le détail du calcul car ce n’est pas pertinent ici. Toutefois, sachez qu’il prend en compte la densité du moût.
Qaa : cela correspond à la quantité d’acides alpha utilisée lors de l’ébullition. On peut reformuler cela en disant qu’il s’agit de la quantité de conversion d’acides alpha en acides iso-alpha. Malheureusement, il est impossible d’avoir 100% d’isomérisation.
Parmi les paramètres pouvant influer sur cette variable, nous avons notamment :
La durée de l’ébullition : si on l’augmente, l’amertume va augmenter. Toutefois, après 90 minutes, l’efficacité n’est plus au rendez-vous.
L’intensité d’ébullition : plus elle est haute, plus l’extraction est forte.
Le volume soumis à ébullition : plus il sera grand, plus le processus sera efficace.
La densité du moût : il vaut mieux que ce chiffre ne soit pas trop élevé.
La qualité du houblon : S’il est un peu vieux ou éventé, il perdra une partie de ses acides alpha.
Ce petit tableau nous montre que l’on est bien loin des 100% puisqu’on atteint péniblement 1/3 d’AIA.
Le houblon en cône correspond à du houblon simplement séché entièrement. Les pellets sont des houblons dont on enlève les tiges, qui sont moulus puis comprimés en bâtonnets.
Autres paramètres
Si l’IBU est un bon outil, il va de soi que les étapes de fabrication peuvent influencer l’amertume.
Parmi les paramètres importants, on peut citer le pH. S’il est élevé, la perception de l’amertume va augmenter, va être plus âcre alors que le nombre d’AIA sera le même.
A contrario, le sucré peut tempérer ce ressenti.
Par ailleurs, les levures vont avoir tendance à faire diminuer le taux d’AIA. Leur quantité aura donc un certain impact.
Ces trois-là ne sont que des exemples, il y a aussi le taux de nitrogènes, l’altitude…
Vous l’aurez compris les molécules responsables du développement de l’amertume sont surveillées de près par les brasseurs. Ils doivent scrupuleusement contrôler les conditions nécessaires afin d’optimiser l’équilibrage procuré par l’amertume.
L’IBU est donc un bon moyen de quantifier les options du brasseur.
Quoi qu’il en soit, j’espère que cet exposé vous aura permis de comprendre un peu ce qui se cachait derrière l’IBU et le lien entre houblon et amertume.
2 Comments
8 Wired Semiconductor Session IPA 4,4% | Whisky and Co
12 juillet 2015 at 7 h 31 min[…] danois Soren Ericksen). Mix de variétés de houblons américains et de houblons locaux, son IBU (voir l’article) annoncé est de […]
Flying Dog Raging Bitch 8.3% | Whisky And Co
13 mars 2016 at 7 h 32 min[…] : une belle amertume nous accueille (60 IBU sous le capot). C’est moins lourd en bouche que ce que le style (belge) et le nez pouvaient […]