C’est un changement de cap qui en dit long sur les fluctuations possibles dans le monde du spiritueux actuel. Diageo, le gargantuesque groupe britannique, vient de passer un accord avec Jose Cuervo afin de privilégier un marché et un alcool émergents tout en délaissant un produit qui pourrait être plus risqué…
En 1989, la famille Beckmann propriétaire de Jose Cuervo vendait 45% de son groupe au futur Diageo. Après l’échec d’un achat complet en 2012, ce dernier abandonnait la distribution américaine de Jose Cuervo. C’est Proximo Spirits, détenu également par les Beckmann, qui prit ensuite le relais.
Le contenu du Deal
Diageo pourrait acquérir les 50% restants de la marque premium de tequila Don Julio. En plus, le groupe pourrait obtenir la distribution de Smirnoff au Mexique ainsi qu’environ 325 Millions d’euros.
Bien entendu il s’agit d’un échange et José Cuervo va devenir le propriétaire de la distillerie d’Irlande du Nord, Bushmills.
Cette entente devrait déboucher, si tout va bien, sur de nouvelles dispositions dès le début 2015.
Diageo : Tequila et marché mexicain
Les spécialistes du spiritueux ont décidé de constituer un portefeuille de Tequila haut-de-gamme et ce nouvel achat va en ce sens.
Un peu plus tôt dans l’année, en un mois, Diageo avait déjà co-acquis avec le rappeur P. Diddy la marque Deleon mais avait aussi enrichi sa gamme avec Peligroso Tequila. Deux achats forts qui dénotaient une vision à moyen terme.
Ivan Menezes, le PDG de Diageo, explique ce revirement : « Cette transaction fournit deux objectifs clés pour nous. Nous avons sécurisé notre position sur le marché grandissant des segments super et ultra-premium des tequilas et avons renforcé un peu plus notre présence mondiale en étendant notre position de leader au Mexique où la croissance des spiritueux a un gros potentiel […] Diageo a saisi sa chance grâce à l’ampleur et la profondeur de notre portefeuille. Cela lance notre stratégie : concrétiser notre présence sur les marchés se développant le plus rapidement au monde et diriger l’industrie dans les opportunités de croissance les plus importantes. Je suis ravi qu nous ayons conclu cet accord ».
Effectivement, les chiffres plaident en leur faveur avec une augmentation de 25% des ventes de Don Julio d’une année sur l’autre.
Ce marché en plein boom a donc été pris à bras le corps par Diageo qui veut avoir la main mise sur les alcools porteurs.
Diageo : Une dévaluation irlandaise
Ce qui est plus étonnant en apparence est que Diageo se sépare de Bushmills. Il semblait pourtant que le compartiment irlandais soit une bonne opportunité d’avenir.
On attend pas moins d’une multiplication par deux de l’export irlandais d’ici à 2020. Toutefois ces chiffres globaux cachent une seconde réalité potentiellement moins enrichissante pour Diageo.
D’une part, les distilleries poussent comme des champignons et on devrait atteindre le nombre de 15 d’ici peu. La concurrence sera donc plus féroce avec une répartition qui risque de différer selon la qualité des nouveaux distillats.
D’autre part, si le marché américain accueille à bras ouvert les whiskeys irlandais, le second marché (l’Irlande donc) est en net recul du fait des taxes assommantes mises en place. On parle d’une régression de près de 20% pour cette année 2014.
On a donc l’impression que cet accord, Diageo se détache d’un marché qui risque de devenir plus dur puisqu’il n’y a que 3 grosses distilleries à l’heure actuelle. Bien que Bushmills fasse office de mastodonte irlandais, sa situation pourrait devenir plus problématique dans quelques années.
La projection du groupe sur le Mexique, un marché en expansion ouvrant sur l’Amerique latine est probablement le point clé. Par ailleurs l’intérêt porté à la Tequila, un alcool en devenir, montre aussi une volonté d’échapper à une concurrence rude en assurant une limitation de la concurrence sectorielle.
Juan Domingo Beckmann, le PDG de Jose Cuervo, s’est voulu, quant à lui, rassurant à propos de cette nouvelle union : « Bushmills Irish Whiskey sera entre de mains sûres.[…] Nous voyons de grandes synergies et similarités entre les deux marques. Comme Bushmills Irish Whiskey, Jose Cuervo est bâti sur une très forte tradition de qualité et d’artisanat qui remonte à plus de 25 ans, donc nous comprenons l’importance d’entretenir et de protéger l’héritage et la qualité d’une marque et nous sommes absolument déterminés à faire cela avec Bushmills ».
Le président a également annoncé qu’aucun emploi ne serait supprimé et que la structure de management serait maintenue.
Il faudra probablement attendre un certain temps avant d’apercevoir les premiers effets de ces changements de propriétaires, s’il y en a.
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Waterford Distillery Mark Reynier à l'abordage du whiskey irlandais | Whisky and Co
5 décembre 2014 at 12 h 30 min[…] d’ici à 2016 demeure conséquent. Dernièrement, Diageo avait annoncé son retrait (voir ici) ce qui dénotait semble t-il un doute concernant le partage du gâteau irlandais. Oui mais voilà, […]