Pour l’année 2014, Diageo poursuit son galopant accroissement des prix tout en proposant quelques belles bouteilles, il faut le reconnaître. Un Caol Ila 30 ans, un Clynelish NAS mais âgé ou encore un Singleton of Glendullan 1975 ont de quoi titiller la curiosité des amalteurs. Mais on a encore une fois l’impression qu’ils ne sont pas le cœur de cible de cette sélection…
Comme chaque année, le petit festival Diageo « Special Releases » se prépare. En effet, le groupe qui détient bon nombre de distilleries a souvent l’embarras du choix pour nous préparer une short-list de produits rares.
Cette série 2014 qui sortira fin octobre est composée de 11 Single Malts issus de distilleries en activité ou fermées. Le Dr Nick Morgan, qui travaille pour Diageo depuis 1990, époque où l’entité se nommait encore United Distillers, est le responsable whisky de la firme. Il déclare : « Je suis stupéfait que chaque année nous réussissions à glaner des gammes de Single Malt Scotch Whiskies si remarquables et variées pour nos Special Releases ». Il précise à propos de ce nouvel arrivage 2014 : « En goûtant ceux de cette année, j’ai été frappé par l’excellent panel de goûts et de textures qu’ils procurent, depuis la cire caractéristique de Clynelish au complexe Cragganmore, l’étonnante robustesse du Benrinnes, et la fumée douce du Caol Ila. Et je sais que les experts et les fans seront tout aussi ravis ».
Passons donc en revue ce nouveau cru qui laisse quelques emplacements pour des innovations, évitant la redondance et la monotonie de ce genre de sélection.
The Singleton of Glendullan – 38 ans
Année de distillation : 1974
Alcool : 59,8 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne européen
Bouteilles : 3 756
Prix : 935 €
Notes de dégustation annoncées : mangue, jus d’orange, biscuit sablé, cire, vanille, toffee crémeux, canneberge
Notre avis : elle fait partie de ces nouveautés intrigantes. Remplaçant le Dufftown 2013 sous l’égide de « The Singleton », il n’est habituellement trouvable qu’aux USA (sous sa version 12 ans). Cet embouteillage brut de fût est tout de même hors de prix (plus de 3 x plus cher que le Dufftown 28 ans de l’année passée). La description est clairement flatteuse avec un profil qui, a priori, tire autant sur les Highlands que sur son Speyside natal.
Verdict : on aimerait vraiment essayer, c’est prometteur mais le prix est totalement prohibitif. Visuellement, la bouteille est standard et le choix de l’étiquette est correct mais pas de quoi provoquer un effet papillon.
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Strathmill – 25 ans
Année de distillation : 1988
Alcool : 52,4 %
Fût : Second remplissage en fûts de chêne américain
Bouteilles : 2 700
Prix : 345 €
Notes de dégustation annoncées : pelure de granny Smith, réglisse, fruits secs, anis et clou de girofle.
Notre avis : il n’y a que très peu d’embouteillages, même en officiel, de la distillerie Strathmill. De plus, quand les bouteilles sortent directement de la distillerie, les prix sont rarement cléments, même si le 12 ans Flora & Fauna est tout à fait abordable.
Verdict : pour son entrée dans les « Special Releases », il semble que le profil soit un peu austère, avec un risque d’amertume. Pas vraiment attractif, contrairement au design sobre de la bouteille. Encore une fois le prix est vraiment très élevé pour un 25 ans, bien qu’il fasse presque office d’offrande comparé à certains autres articles.
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Rosebank – 21 ans
Année de distillation : 1992
Alcool : 55,3 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne européen
Bouteilles : 4 530
Prix : 375 €
Notes de dégustation annoncées : fruits confits, vanille, raisins et chocolat au lait avec une texture crémeuse en bouche.
Notre avis : Rosebank a clos ses portes en 1993. Depuis, les fans de Lowlands doivent faire avec seulement trois distilleries. Cette bouteille fait écho à l’édition 2011 où un 21 ans était déjà sélectionné. Celui-ci est toujours trouvable et pour 75 € de moins, donnant du grain à moudre à ceux qui voudraient se payer une tranche d’histoire maltée.
Verdict : un profil qui ne fait pas vraiment penser à l’archétype que l’on cherche dans un Rosebank, un style dépouillé et sans charme et un prix qui a encore augmenté. Difficile d’être conquis sur le papier.
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Port Ellen – 35 ans
Année de distillation : 1978
Alcool : 56,5 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne européen et américain
Bouteilles : 2 964
Prix : 2 750 €
Notes de dégustation annoncées : complexe et boisé commençant avec une abondance de fruits, une douceur miellée, partant sur du sel et des épices.
Notre avis : voilà un des embouteillages que l’on attend chaque année car il fait partie des rares incontournables de la liste de Diageo. Fermée en 1983, les stocks de Port Ellen sont soi-disant en fin de vie. Quoi de mieux que cette fin programmée pour voir une envolée des prix. D’ailleurs en un an, 875 € se sont greffés sur le montant de la bouteille. Si on considère que l’année passée le bond était déjà d’environ 1 125 €, on se dit qu’on n’est pas prêt de revoir un juste prix pour un Port Ellen officiel.
Verdict : oui c’est un Port Ellen, oui on aimerait le goûter mais le prix complètement aberrant nous ramène à la réalité. Côté packaging, rien de neuf sous le soleil mais c’est assez logique puisqu’il s’agit d’une sortie régulière.
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Lagavulin – 12 ans
Année de distillation : 2002
Alcool : 54,4 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne américain
Bouteilles : 31 428
Prix : 100 €
Notes de dégustation annoncées : huileux et doux avec du sucre d’orge et des notes de zeste de citron. On a aussi des notes de bacon frit.
Notre avis : lui aussi est un classique, une édition qui se retrouve d’année en année. Lagavulin ayant restreint l’accès à ses fûts depuis déjà quelques temps, il ne reste que ces sorties pour pouvoir profiter de son distillat. Hormis le 16 ans, nous avons donc ce 12 ans brut de fût, 14ème édition, qui fait office de sortie obligatoire. Il s’agit du plus gros volume de cette sortie Diageo.
Verdict : difficile de totalement s’emballer pour un dram de 12 ans à tout de même 100 €. Pourtant Lagavulin peut réserver de très belles surprises. On est donc un peu mitigé surtout que la description ne semble pas indiquer un whisky ciselé mais un consensus. Comme pour Port Ellen le packaging est similaire d’une année sur l’autre.
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Cragganmore – 25 ans
Année de distillation : 1989
Alcool : 51,4 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne américain avec des extrémités en chêne vierge.
Bouteilles : 3 372
Prix : 375 €
Notes de dégustation annoncées : chaud et épicé avec des notes de bruyère, de miel et de banane, mais aussi du caramel et de la vanille.
Notre avis : Cragganmore s’était déjà vu lister dans les raretés en 2011. Le 21 ans sortait alors à 120 € (certes sans expérimentation de fût). Pas aussi huppé qu’un Port Ellen ou un Rosebank, pas aussi rarement embouteillé qu’un Strathmill par exemple, ce produit fait office d’intermédiaire. Alors doit-on être intrigué ou rester sur les Distiller’s Edition et autres 12 ans ?
Verdict : le prix a du mal à se justifier, il faut bien l’admettre. La bruyère intrigue un peu dans le profil mais on ne sait pas réellement comment les saveurs vont s’harmoniser. Côté packaging ce n’est pas surchargé avec une étiquette courte et une graphie à même la bouteille bien exploitée : simple mais assez joli (sauf pour le tarif demandé).
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Clynelish – NAS
Année de distillation : /
Alcool : 54,9 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne européen et américain
Bouteilles : 2 964
Prix : 625 €
Notes de dégustation annoncées : complexe et riche. Des notes de cire avec des zestes d’orange, des pêches, du caramel cédant leur place à une salinité côtière, du cèdre et du chocolat amer.
Notre avis : le plus jeune Clynelish résultant de cet assemblage se trouve être un 16 ans tandis que l’âge moyen est annoncé comme « bien supérieur ». De manière générale, Clynelish a une portée officielle assez restreinte, à la manière d’un Cragganmore. Toutefois, l’engouement pour les sélections des embouteilleurs indépendants et la réputation des vieux Clynelish (1972/1982 notamment) a amené Diageo à cette bouteille qui va surement diviser.
Verdict : encore une fois le prix est assez honteux mais c’est la preuve que Diageo croît au pouvoir d’attraction de Clynelish. Le vatting (mélange de fûts d’une même distillerie) sera au centre des interrogations concernant le profil aromatique. Sur le papier, ce whisky a un joli potentiel mais il se tire une balle dans le pied avec son tarif hors norme. Côté visuel, on a déjà vu bien mieux que ce mélange blanc/jaune.
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Caol Ila – 15 ans
Année de distillation : 1999
Alcool : 60,39 %
Fût : premier remplissage en fûts de chêne américain
Bouteilles : 10 668
Prix : 95 €
Notes de dégustation annoncées : pear drops (bonbons britanniques), zeste de citron, gingembre, marshmallow vanille, chocolat à la menthe.
Notre avis : 9ème édition des non-tourbés de chez Caol Ila, il se fait plus âgé que d’habitude atteignant ici 15 ans. La force de production est assez importante et désire montrer un autre aspect de la distillerie d’Islay. C’est aussi le produit le moins cher cette année, ne passant pas la barre des 100 €.
Verdict : les versions Unpeated n’ont pas été jusque-là d’une qualité exceptionnelle, sans être des expérimentations ratées. Toutefois, les notes proches de la confiserie donnent une sensation étouffante. Une curiosité plus qu’autre chose et le montant peut donc laisser un peu dubitatif. La série étant suivie, le packaging suit le cahier des charges usuel.
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Caol Ila – 30 ans
Année de distillation : 1983
Alcool : 55,1 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne européen et américain
Bouteilles : 7 638
Prix : 530 €
Notes de dégustation annoncées : végétal (herbe, pin) fumée de cheminée et tabac.
Notre avis : si on a l’habitude d’avoir des Caol Ila âgés d’au moins 30 ans chez les embouteilleurs indépendants, il faut avouer que c’est inédit que la distillerie fasse une maturation aussi importante. On était jusque-là cantonné au 25 ans. Caol Ila est décidément un incontournable de chez Diageo.
Verdict : on passera rapidement sur le prix incongru pour se focaliser sur les points positifs. Le profil tout comme le packaging semblent dédiés à l’épure, une position plutôt profitable lorsqu’il s’agit de Caol Ila. Une des bouteilles qui fait le plus envie de par son profil mais qui a peu de chance de se frayer un chemin jusqu’à notre bar tant le budget est inapproprié.
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Brora – 35 ans
Année de distillation : 1978
Alcool : 48,6 %
Fût : second remplissage en fûts de chêne européen et américain
Bouteilles : 2 964
Prix : 1 500 €
Notes de dégustation annoncées : fruits automnaux mûrs avec un peu de fumée et du gâteau au chocolat avec une bouche huileuse.
Notre avis : un grand classique des Releases de chez Diageo. On peut le mettre dans la même catégorie que Port Ellen pour la rareté du produit, la date de fermeture (1983) et bien sûr l’augmentation tarifaire. Cette année comptez 560 € (contre 440 l’année dernière) de plus soit une augmentation annuelle qui est plus importante que le prix que l’on devrait constater à l’achat.
Verdict : packaging classique et prix encore en hausse. On aimerait pouvoir se dire que l’on va le goûter voire s’acheter une bouteille mais on est clairement dans des gammes extrêmes.
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Benrinnes – 21 ans
Distillé en : 1993
Alcool : 56,9 %
Fût : fûts de chêne européen
Bouteilles : 2 892
Prix : 300 €
Notes de dégustation annoncées : puissant et carné avec des notes de Viandox et des notes de tarte au chocolat.
Notre avis : voilà une distillerie qui se révèle bien plus souvent chez les indépendants qu’au sein de son propre camp. Dans les quelques bouteilles parues, on peut se remémorer le 23 ans (qui vaut à peine 180 € encore aujourd’hui) ou le Rare Malts, lui aussi âgé de 21 ans.
Verdict : encore un prix inadapté, cela va de soi, même si le profil semble avoir suffisamment de corps pour nous surprendre. Côté packaging, si la boîte est réussie, la bouteille est un peu chargée.
[box type= »shadow » ]Pour conclure, on peut dire que Diageo poursuit sa politique d’inflation sans sourciller. Il faut avouer que l’on apprécie le fait d’avoir des embouteillages plus âgés et choyés qui proviennent directement des distilleries. Toutefois, l’infidélité aux indépendants ne risquent pas de débuter avec une politique aussi écrasante pour notre portefeuille. De ce fait, difficile de tirer une conclusion concernant cette nouvelle gamme. Au niveau du profil gustatif, le Singleton of Glendullan, le Clynelish et le Caol Ila 30 ans semblent les plus intrigants. Bien entendu, la description est comme toujours à prendre avec des pincettes. Toutefois, il n’y a aucune surprise concernant la politique menée qui poursuit celle des années précédentes. Tiens, je vais peut-être aller me racheter un Caol Ila 12 ans finalement…[/box]
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