Maverick Drinks, incarnant l’idée du craft spirit, s’attaque au marché des distilleries écossaises avec Wolfburn dont il contrôlera la distribution au Royaume-Uni. Une alliance qui n’est pas si anecdotique et qui nous permet de digresser sur cette notion en vogue qu’est le « craft product ».
Si Wolfburn a su faire parler d’elle, on connaît moins Maverick Drinks. Cette union va donc nous permettre d’élargir nos horizons.
La rencontre de deux étoiles montantes… nées en 2013
Voici la preuve que tout bouge très vite dans le monde des spiritueux.
Wolfburn est la distillerie la plus au nord du Mainland. Située à Thurso, elle faisait revivre un site qui avait été laissé sans activité depuis les années 1860, alors qu’elle avait été une des plus prolifiques d’Ecosse quelques décennies plus tôt. Ainsi, en 2013, la production reprit.
Nous avions d’ailleurs dégusté le Wolfburn et l’Aurora, sortis en 2016.
Porteuse d’une production faible (3 500 litres par semaine), la distillerie va s’allier à Maverick Drinks. La société née elle aussi en 2013 est un distributeur de spiritueux de la culture « craft » et notamment sur le marché britannique où, bien entendu, les grands noms de l’industrie tiennent à leur visibilité.
Pour mémoire, ils sont détenteurs de produits américains (le texan Balcones, Few à côté de Chicago ou Smooth Ambler en Virginie Occidentale, St George en Californie…) mais pas uniquement puisqu’on retrouve (entre autres) les assemblages de Reference Series et The Blended Whisky Company, les samples de « Drinks by the dram » ou les embouteillages de That Boutique-Y Whisky Company et Darkness (de Master of Malt).
Le partenariat annoncé donne l’exclusivité de la distribution de Wolfburn au sein du Royaume-Uni. Michael Vachon, fondateur et chargé du développement de Maverick Drinks, assurait :
« Nous sommes absolument ravis de représenter Wolfburn au Royaume-Uni. Wolfburn a tout ce que nous recherchons dans une marque : une qualité extraordinaire, un très bon design et des gens formidables. Shane et son équipe ont une réputation grandissante en ce qui concerne l’élaboration de leurs whiskies, qui sont parmi les meilleurs du monde, et je sais que nous allons passer de très bons moments à travailler ensemble.».
Le « Craft Spirits » : Etiquettes et trajectoire
Si on regarde au-delà de la simple union sus-explicitée, on peut se poser la question de la définition et des implications de cette idée de « Craft ».
Pour commencer, ce terme connût son essor aux Etats-Unis (puis au Royaume-Uni) sous l’impulsion du monde de la bière. Les « Craft beers » (bières artisanales ?) n’ont pas de définition légale même si la Brewers Association américaine tentait d’en dessiner des contours senso strictu : petite, indépendante et traditionnelle (ce qui ne veut pas dire rigoriste). En effet, derrière ces grands pans, on retrouve les notions fondamentales d’entreprise locales et de liberté de proposer son identité.
En d’autres termes, le crafting semble se présenter comme une alternative au gigantisme tentaculaire d’une industrie qui se repose un peu sur ses lauriers : L’originalité primant sur une masse normalisée ? Difficile d’avoir une vision aussi dichotomique évidemment.
D’ailleurs, d’autres acteurs prônent simplement une différenciation d’esprit, occultant partiellement les différences structurelles.
Dans tous les cas, par effet de capillarité, les spiritueux connaissent la même trajectoire, le nombre de « craft distilleries » ayant énormément augmenté aux USA en quelques années.
Toutefois, on peut voir deux axes évolutifs dans cette notion : le temps et l’espace.
On le sait, les notions de contre-force qui se frottent à des industries lourdes, surtout si elles n’ont pas d’encadrement spécifiques, ont tendance à suivre un modèle intégratif. Les « indépendantistes » finissent par se rencontrer et agir dans le même sens, avant de former un véritable groupe, concomitamment à l’absorption des notions fondatrices par les représentants des forces économiques systémiques. Au final, on retrouve une action qui tourne au lobby et qui est en général partiellement dissous dans le marché global.
En prenant un exemple exogène (avec plus de recul), on peut évoquer les labels BIO qui faisaient office de contre-attaque à l’industrie agro-alimentaire et qui ont été thématiquement phagocytés par les grands groupes. De fait, bien que ses axes directeurs originels puissent se retrouver et que des regroupements idéologiques ont été faits, les institutions ont normalisé et déstructuré cette base afin de l’inclure dans le système préétabli.
De la même manière, si l’appétence pour les craft spirits existe et risque de se poursuivre, leur champ d’action sera probablement obstrué (dans la globalité) par les grosses écuries qui incluent et incluront des expérimentations plus poussées qu’auparavant et/ou rachèteront les forces les plus vives. Les crafts reprendront alors probablement leur place initiale. Attention ! Il ne s’agit pas de crier au complot, mais de décrire une mécanique logique.
Wolfburn et Maverick Drinks : Un tournant ?
En revenant à Maverick Drinks, on voit dans l’appréciation de Michael Vachon (qualité, design, équipe) que la notion de recherche de ces spécialistes des « craft spirits » est au-delà de petites productions locales et de l’esprit d’innovation et d’authenticité. En effet, ils représentent une étape de coalition de la modernité et de l’approche marquetée et du développement par rapport à une industrie aux codes souvent traditionnels.
On est donc dans une phase déjà avancée, celle de la visibilité des élus du crafting, cette engeance qui a déjà bien vieilli en somme.
C’est aussi là que l’espace prend tout son sens. On peut se concentrer sur les acquisitions britanniques. On voit que la mixologie est à l’honneur (bitter, cocktails…) et que leurs efforts maltés gravitent autour de Master of Malt, le célèbre site de vente en ligne, qui est donc une voie de passage bien implantée.
Le cas de Wolfburn est par contre assez intéressant puisqu’il s’agit d’une distillerie (non-américaine). De nos jours, les jeunes distilleries (Irlande, Ecosse), si on excepte les usines à gaz (ou à blend) des grands groupes, sont plutôt dans une rupture formelle avec leurs aînées : plus d’écologie et de retour aux sources de l’ « indépendance » (de l’orge jusqu’au verre, vision locale ou régionale) qui devraient donner quelques expériences intéressantes dans les années à venir. Nonobstant, le passé, l’histoire et la culture de la résurrection distillatrice sont des balises importantes. De fait, plus que l’originalité libertaire des « crafts beers », on retrouve plutôt une modernisation photographiée en sépia.
Wolfburn paraît, dans ses schémas esquissés, comme un compromis entre la petite entreprise (distillerie en l’occurrence) qui va vers son public (l’esprit Maverick Drinks) et l’esprit conservatif du monde traditionnel. Cela pourrait donc être un des pontages-clés pour les crafts spirits, un de ces moments où les divergences viennent nourrir un marché construit.
Pas de révolution en vue donc mais un petit coup de peinture pour rafraîchir la façade du monde traditionnel du whisky.
Il ne reste plus qu’à savoir qui va incarner le futur de l’audace craftienne (oui c’est un néologisme), bien que certains s’amusent déjà…
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28 septembre 2024 at 23 h 41 minf8nj6v